Atténuation de l'enthousiasme suscité par le marché mexicain des obligations de sociétés
avril 2019 - 5 min lireOmotunde Lawal, Directrice de la Dette d'Entreprise des Marché émergents, revient d'un récent voyage au Mexique, où l'équipe de Barings a mené des recherches sur le terrain.
Après avoir passé une semaine au Mexique, et participé à 33 réunions, la seule chose qui ne fait aucun doute est que Andrés Manuel López Obrador est le seul qui tire les rênes. Avec tant de pouvoir maintenant concentré entre les mains d'une seule personne, il était difficile pour la plupart des entreprises de présenter des plans concrets et prospectifs, car tout le monde attend de voir ce que fera le nouveau président du pays, Andrés Manuel López Obrador (AMLO), en particulier en ce qui concerne Pemex (ce qui donnera le ton au secteur privé du reste du pays).
Voici quelques-uns des principaux points à retenir :
Politique : Tout au long de la semaine, on nous a répété à maintes reprises que des membres clés de l'équipe économique d'AMLO (bien qu'ayant conscience des enjeux élevés que leurs politiques ont pour le pays) sont, dans une certaine mesure, freinés dans leur travail par des idéologies dépassées dans certains secteurs du gouvernement. De plus, on ne sait pas très bien qui sont les principaux décideurs, d'autant plus qu'il semble qu'AMLO semble se faire conseiller principalement par son entourage (notamment par son épouse, son fils et le ministre des Affaires étrangères). Cette situation n'est peut-être pas viable et pourrait éventuellement entraîner un remaniement important du cabinet d'AMLO au cours de la prochaine année.
La confiance des consommateurs est forte... AMLO reste populaire auprès de l'électorat, qui s'attend à une augmentation des dépenses sociales. Compte tenu du niveau élevé des envois de fonds, de la reprise des ventes au détail en janvier et février et des prévisions de croissance de la consommation privée de 1,5 à 2 % en 2019, on peut raisonnablement s'attendre à une croissance des salaires réels et au maintien du dynamisme des prêts au secteur privé.
Mais la confiance des entreprises est faible... Pour le secteur des entreprises, il y a encore trop d'inconnues. Le gouvernement semble éprouver des difficultés de mise en place (par exemple, pour rapidement combler les postes vacants) et on nous a fait état tout au long de notre séjour de retards dans la délivrance des permis pour divers projets et du manque de clarté concernant l'affectation efficace des fonds publics aux programmes sociaux. De plus, des menaces de grève se profilent à l'horizon, car les employés du secteur privé dirigés par les syndicats exigent des salaires plus élevés.
Sur un plan positif, les relations d'AMLO avec le secteur privé semblent s'améliorer et devraient commencer à se renforcer ce qui devrait se traduire par une amélioration de la confiance et du sentiment des entreprises. On nous a fait part à plusieurs reprises au cours des réunions que les attaques initiales d'AMLO contre les secteurs bancaire, minier, industriel et des médias constituaient plutôt une tactique de négociation, non sans rappeler certaines des tactiques utilisées par le président Trump.
En fait, AMLO aurait demandé à des chefs d'entreprise clés de l'aider à mettre en œuvre ses programmes sociaux :
Il a été demandé aux banques de favoriser la pénétration du secteur bancaire dans la partie basse/informelle de l'économie afin d'élargir l'assiette fiscale et de combattre la corruption (en réduisant l'utilisation du numéraire dans l'économie). La plupart des banques semblent prudentes dans leurs perspectives pour 2019 par rapport à 2018, avec une croissance des prêts entre 5 % et 10 %. Avec des prévisions d'inflation entre 3,5 % et 4 %, dans l'ensemble, la croissance réelle du crédit devrait encore être appréciable. Les banques se concentrent principalement sur le secteur privé, en particulier les prêts personnels, les prêts hypothécaires et les prêts automobiles, et n'auront guère besoin de financement de gros en 2019, sauf pour Bancomext. Il ne semble pas y avoir de prévisions de réduction des frais bancaires par AMLO, ni de plafonnement des taux d'intérêt par la banque centrale à court terme.
Il a été demandé aux entreprises du secteur minier d'être socialement plus responsables avec les communautés locales, ce qui est une fois de plus en lien avec les programmes sociaux d'AMLO. De plus, les dirigeants d'entreprises ne semblent pas anticiper de changements réglementaires dans le secteur, malgré les rumeurs qui circulaient à ce sujet.
Des conglomérats industriels ont été sollicités pour intervenir dans le cadre de Pemex et des vols de carburant. Dans l'ensemble, les perspectives locales des entreprises dans ce marché sont faibles, mais partiellement compensées par les activités à l'extérieur du Mexique, certaines faisant face à des nouveaux facteurs défavorables dans leurs activités dans la zone euro.
Le secteur de la consommation semble être l'un des points positifs de l'économie, la plupart des émetteurs s'attendant à une faible croissance à un chiffre des volumes et à des augmentations des prix conformes ou supérieures à l'inflation. Au second semestre de 2019, les entreprises de consommation de biens à bas prix devraient bénéficier de l'impact des programmes sociaux et d'une croissance plus élevée des salaires réels.
Les dirigeants du secteur des TMT ont constaté un changement positif dans le ton de la réglementation, ce qui pourrait avoir un effet d'entraînement. Le gouvernement soutient le secteur et cherche à accroître les taux de pénétration en investissant davantage dans le réseau.
Dans l'ensemble, il semblerait qu'AMLO trouve un moyen d'obtenir l'appui des entreprises pour l'aider dans ses projets, car elles seront essentielles pour créer des emplois et éventuellement élargir son assiette fiscale.
Autres points à retenir :
FX : Un certain nombre d'acteurs s'attendent à ce que la volatilité du marché des changes soit très probable en raison de la ratification prochaine de l'Accord entre les États-Unis et le Mexique et le Canada (USMCA). Plus précisément, il a été beaucoup question du récent voyage non officiel de Jared Kushner au Mexique. Les prévisions générales se situent entre 19 et 21,3 pesos mexicains (pesos/USD) à la fin de 2019.
Politique monétaire : Il semble que dans l'ensemble, les milieux des affaires s'attendent à ce que Banxico ne réduise pas ses taux pour l'instant (actuellement 8,25 %), pour garder une force de frappe face à une potentielle volatilité fin 2019. Le pic d'inflation enregistré en 2018 en raison des hausses de prix de l'essence à partir de 2017 s'est maintenant dissipé, l'inflation de base s'étant stabilisée à 3,6 % au cours des quelques derniers mois. On s'attend à une baisse des taux de 25 à 75 points de base d'ici la fin de 2019.
Politique fiscale : Tout le monde semble convenir qu'AMLO fera tout ce qu'il faut pour maintenir sa discipline budgétaire et s'efforcer de respecter l'objectif d'un excédent primaire de 1%. Cependant, même si le gouvernement atteint un excédent inférieur à 0,5%, ce résultat pourrait tout de même être acceptable, si l'est pour une bonne raison (Moody's et S&P l'ont également souligné). La volonté de discipline budgétaire a été renforcée par les nouvelles suppressions d'emplois annoncées lors de notre séjour en raison de la baisse des revenus. Notre conclusion sur l'utilisation du fonds de stabilisation et les élections de mi-mandat en 2021 est qu'au cours des trois premières années de son mandat, AMLO se concentrera probablement sur des projets « à grande visibilité », qu'il pourra utiliser comme toile de fond pour la campagne électorale en 2021. Par conséquent, à cet effet, il est probable qu'il maintiendra son engagement à réparer Pemex, ce qui suggère qu'il devra s'attaquer à la réforme fiscale le plus tôt possible.
Pemex a besoin d'une stratégie claire, mais il est peu probable qu'il y ait une solution tant que le nouveau plan d'affaires ne sera pas publié en avril/mai. Les problèmes de l'entreprise et la solution la plus adaptée sont bien compris (c'est-à-dire la réduction de la charge fiscale de Pemex), mais la question reste de savoir comment parvenir à cette solution sans compromettre l'État dans cette démarche. Les agences de notation semblent plus souples quant à l'augmentation de la dette souveraine par rapport au PIB pour sauver Pemex, mais seulement s'il existe un plan d'affaires durable et viable à long terme. Il semble peu probable que Pemex puisse être déclassée sans que le soit la note souveraine du pays ; à notre avis, tout changement de notation se produira probablement en tandem.
Qu'est-ce que tout cela signifie ? Nous pensons que 2019 sera probablement une année de surplace pour la plupart des entreprises mexicaines. Les entreprises que nous avons rencontrées au cours de notre séjour nous ont toutes fait part de perspectives relativement prudentes et s'attendaient à ce que les fonds provenant des programmes sociaux insufflent un léger élan à certains secteurs au cours du second semestre. Il convient de noter que les entreprises n'augmentent pas leur endettement, de sorte que les fondamentaux devraient rester stables dans l'ensemble. Dans le cadre de nos stratégies d'entreprises des marchés émergents, nous réalisons des prises de profits de manière sélective sur des titres qui ont surperformé au cours des derniers mois et cherchons des occasions d'accroître nos positions à haut risque en période de faiblesse des marchés, surtout si la volatilité augmente en raison de la ratification de l'USMCA ou du plan d'affaires relatif à Pemex et si la conjoncture américaine montre des signes de ralentissement.
Pour en savoir plus sur nos points de vue au sujet du Mexique et de Pemex, écoutez le dernier épisode de notre podcast Streaming Income, où nous en discutons en profondeur.
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